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« LE CHÔMAGE BAISSE mais son coût augmente

Combien coûte le chômage en France et quelle a été l’évolution de son coût ?
Une question qui en suscite immédiatement une autre : la baisse du chômage s’explique-t-elle par un regain prometteur d’activité, une meilleure efficacité des dispositifs de placements des travailleurs ou par une injection de milliards supplémentaires destinés à masquer l’ampleur du fléau ?
Pour répondre à cette question, il suffit de recenser l’ensemble des dépenses pour l’emploi publiées par le ministre de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement. Elles se répartissent en deux grandes catégories : les dépenses « actives » et les dépenses « passives ». Ces dernières comprennent les prestations accordées aux chômeurs et les incitations financières au retrait d’activité qui englobent les prestations versées dans le cadre des garanties de ressources, des allocations spéciales du Fonds national de l’emploi, les contrats de solidarité, le plan social de la sidérurgie, les aides au départ d’agriculteurs âgés et l’aide à la réinsertion des travailleurs étrangers.
Les dépenses « actives » sont l’ensemble des sommes consacrées à améliorer l’employabilité des salariés et à leur proposer un emploi : formations professionnelles, insertion professionnelle des jeunes, aides à l’aménagement du territoire, aides en faveur de l’artisanat, exonérations fiscales ou sociales liées à la création d’emploi, aide à la création d’entreprise pour les salariés privés d’emploi, travaux d’utilité collective, contrats emploi-activité, aides à la mobilité géographique, indemnisation du chômage partiel, subventions du Comité interministériel de restructuration industrielle (Cirl) et fonctionnement de l’ANPE.
On y ajoute enfin le coût des mesures liées à la réduction du temps de travail, des lois Robien de 1996 aux lois Aubry de 1998 et 2000, et aux allègements Fillon de 2003.

Au total, ces dépenses sont passées de 47,2 milliards d’euros en 1995 à 67,2 milliards d’euros en 2004 : 32 milliards pour les dépenses passives et 42 milliards pour les dépenses actives. Elles ont donc augmenté de 57,4% en dix ans, alors que, pour prendre une statistique comparable et difficilement contestable, le nombre de chômeurs recensés est passé entre 1995 et 2006 de 2 887 000 à 2 352 000.
74 milliards d’euros, c’est plus que le salaire annuel de 4 millions de salariés payés au smic ! C’est sept fois plus que les sommes affectées à l’enseignement supérieur.
Ainsi, on a dépensé 27 milliards d’euros supplémentaires en dix ans (soit un peu plus de la moitié de l’impôt sur le revenu aujourd’hui) pour réduire le nombre de chômeurs de 18,5%. Chaque chômeur en moins (baisse de 535 000 entre les deux dates) aura donc coûté 50 000 euros par tête, soit presque le triple du revenu annuel médian des Français (celui que perçoit la moitié des salariés).

C’est dire qu’avant de se réjouir d’une éventuelle baisse du nombre des chômeurs, mieux vaut se lamenter de l’inefficacité d’une telle dépense. Contrairement à ce qui est trop souvent affirmé, en effet, ce n’est pas le manque de croissance qui explique la persistance du chômage en France à des niveaux incomparablement supérieurs à ceux de nos principaux partenaires, mais l’enchevêtrement de dispositifs et d’aides multiples et diverses dont le foisonnement ne mesure que l’incapacité des divers gouvernements depuis dix ans à entamer de profondes réformes du marché du travail. Des milliards engloutis pour un résultat insignifiant : telle est la triste et coûteuse chronique des années perdues.

Jacques Marseille In Le Point N° 1795 du 8 février 2007

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