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Traité de Lisbonne : fausse bonne nouvelle pour l’Europe !

La stratégie de Lisbonne (2000) : échec cinglant « Avec le recul, ce texte ressuscité en 2007 par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel n’est pas le remède miracle capable de donner à l’Europe l’élan politique et démocratique dont elle a besoin. La tornade financière a mis à nu bien des failles dans le système de gouvernance européen : absence de régulation financière commune, en dépit d’une monnaie et d’une marché en partage ; grande opacité des systèmes financiers nationaux et, sur le plan politique, défaillance de la Commission coupable d’une grande passivité dans la crise, sans oublier du manque cruel d’outils communs pour soutenir l’économie, à commencer par l’arme budgétaire. Bruxelles a dû racler les fonds de tiroirs pour rassembler une quinzaine de milliards sur les 200 milliards d’euros injectés dans l’économie par les grands pays de l’Union… Profitant du silence résigné de José Manuel Barroso, le président de la Commission, Nicolas Sarkozy, qui présidait alors à l’Union, a endossé ses habits de grands Européen et « fait semblant », faute de mieux, de jouer collectif. Tandis que chaque Etat, pris de panique par l’ampleur de la crise et des banqueroutes financières, organisait sa propre ligne de défense, il a ripoliné d’Europe des plans nationaux de soutien aux banques et à l’activité. La Commission n’a proposé aucune stratégie globale et cohérente pour sortir de la crise. Pas même limitée au secteur de l’automobile… Aucun regret à avoir : le traité de Lisbonne n’aurait rien changé face à la crise. Le texte ne propose pas de nouveauté majeure dans le domaine économique et monétaire : les politiques budgétaires et fiscales restent l’apanage des Etats nations. Et le budget européen, qui ne pèse pas plus de 1% de la richesse européenne, ne pourra être augmenté qu’à l’unanimité des Etats membres… Pas d’avancées non plus sur le droit du travail, les politiques de protection sociale demeurent des prérogatives nationales. Le traité ne franchit pas d’étape supplémentaire dans le rapprochement des politiques économiques : l’Eurogroupe, qui rassemble les ministres des Finances de la zone euro, garde son statut « informel ». Le « gouvernement économique », pendant naturel d’une politique monétaire commune, reste donc à l’état d’embryon. Pourtant, l’euro est bien le seul vainqueur de cette crise. La monnaie unique a protégé les Etats contre la tempête monétaire qui n’aurait pas manqué de s’abattre sur l’Irlande, la France, l’Italie, l’Espagne, mauvais élèves de la classe, après la crise financière de l’automne dernier. Mais depuis Maastricht (1992), si l’horizon géographique de l’Europe s’est considérablement élargi à 13nouveaux Etats membres, son ambition politique s’est singulièrement rétrécie… Il est difficile de ne pas voir, derrière la relative vacuité du traité de Lisbonne, le désengagement des pays fondateurs… Le traité de Lisbonne (et avant lui le traité constitutionnel) a sonné la fin de l’idéal fédéraliste des pères fondateurs et entériné le retour aux Etats nations. Il renforce le poids des gouvernements, avec la création d’un « président stable » de l’Union, issu des rangs du Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement, et accroît les pouvoirs du parlement européen mais aussi des parlements nationaux…

Le pôle « supranational » que constitue la Commission, chargée de proposer de nouvelles politiques, n’est pas rehaussé et perd en influence. La reconduction de José Manuel Barosso, homme intelligent mais sans convictions, finira de briser le fragile équilibre institutionnel au profit des Etats. La Commission a cessé d’être le laboratoire à idées de l’Europe et se contente d’arbitrer entre celles de Nicolas Sarkozy, Gordon Brown et Angela Merkel. Il ne s’agit pas seulement d’un débat théorique. L’échec cinglant de la stratégie de Lisbonne en est le meilleur exemple : en 2000, l’Union avait arrêté un programme très ambitieux mais réaliste qui devait faire de l’Europe l’économie la plus compétitive du monde dix ans plus tard. On est aujourd’hui loin du compte. Pourquoi ? Parce que la Commission a été tenue à l’écart du mécanisme de mise en œuvre de ces objectifs laissés à la bonne volonté des Etats membres. Sans contrainte ni calendrier, le résultat est affligeant. Le manque d’Europe peut, aussi, avoir un coût… »

by Catherine Chatignoux, in Enjeux les Echos, octobre 2009

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