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Réalisateur et ordinateur : voici le cinéma de demain, une « performance capture » !

« Un film, c’est le scénario contrarié par un tournage contrarié par un montage », disait François Truffaut. Ainsi, cette formule nous rappelle que le cinéma est un art de la concession, du compromis. L’américain Robert Zemeckis (Retour vers le futur, Qui veut la peau de Roger Rabbit ? Forrest Gump…) incarne, avec James Cameron, Steven Spielberg ou Peter Jackson, l’avant-garde technologique du cinéma. Si l’image de synthèse s’avère être la forme idéale pour générer ce nouveau cinéma, ce n’est pas dans la recherche d’un photoréalisme que réside le défi des cinéastes d’aujourd’hui, mais bien dans sa manière de concevoir une nouvelle façon de faire du cinéma. De ce fait, le cinéaste n’a pas inventé un outil à proprement parler, il a perfectionné une série d’outils et les a regroupés au sein d’un procédé, appelé la « performance capture », qui révolutionne de fond en comble la façon de faire un film. Tout d’abord, les collaborateurs du cinéaste sont chargés d’élaborer sur leurs ordinateurs les décors de l’histoire et le design des personnages. Puis vient l’utilisation de la « motion capture », technique qui consiste à recouvrir un acteur de capteurs électroniques destinés à plaquer ses moindres mouvements sur un double numérique créé par ordinateur. Cette technique, visant à accroître le réalisme comportemental de personnages virtuels, a été mise en lumière par le personnage de Gollum dans Le Seigneur des anneaux, de Peter Jackson. L’acteur de cinéma retrouve là une liberté physique inespérée et une intensité de jeu sur la durée que seul le théâtre pouvait lui procurer, puisque l’interprétation d’une séquence entière peut s’effectuer sans aucune pause. Ce n’est pas une caméra qui enregistre le travail de l’acteur, mais des centaines de capteurs placés à tous les endroits du corps. Cette performance, capturée par l’ordinateur, servira ensuite à animer les personnages créés plus tôt par les infographistes et à les faire évoluer dans les décors numériques.

La plus étonnante partie du procédé est le fait que le réalisateur, devant ses ordinateurs, dégagé de toutes les contingences physiques induites par un tournage traditionnel, se retrouve seul maître à bord. Les décors, les personnages et les performances des acteurs se trouvant sous ses mains, le réalisateur peut en faire ce qu’il veut : tourner une scène sous trois angles différents puis choisir les meilleures prises, modifier l’éclairage ou la profondeur de champ à volonté.
En somme, tout ne dépend plus d’aucun facteur extérieur. Ainsi resurgit l’omnipotence du réalisateur.

Pour la première fois depuis que les frères Lumière ont créé le cinématographe, le cinéaste ne décide plus de la façon dont il va filmer une scène avant le tournage mais après, à tête reposée, sans pression ni compromis. Lors de la sortie de Pôle express de Robert Zemeckis, Julien Dupuy, spécialiste du cinéma numérique et des effets spéciaux, mesure l’importance du bouleversement provoqué par le réalisateur : « La ‘’performance capture’’ est forcément annonciatrice d’une révolution esthétique radicale du septième art, dans le sens où elle marque la disparition de la caméra : cette méthode offre une liberté totale au cinéaste, comme d’ailleurs à tous les membres de son équipe (comédiens y compris), jusqu’à présent tributaires des restrictions techniques du médium. Ainsi, le point de vue du réalisateur n’est-il plus subordonné à une entité physique : il est totalement désincarné. »

De nombreux projets tournent autour de cette technique et vont immanquablement perfection l’invention de Robert Zemeckis et porter encore au plus haut l’étendard de la révolution numérique ; David Lean disait si justement : « Je crois que le cinéma n’en est qu’à ses débuts. »

Source Le Figaro magazine,
novembre 2007
Par Arnaud Bordas

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