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La crise de l’Europe est idéologique

« …La tragédie de l’euro dépasse de loin le seul cas de la Grèce et cette tragédie n’est financière qu’en apparence. Ces rafistolages financiers n’empêcheront par une contagion générale à tous les pays membres de l’Union car tous sont affectés du même mal. On nous dit au FMI, à la Banque centrale européenne, dans les ministères : c’est financier, c’est technique, on sait opérer, cela va passer, il suffit de quelques crédits, de persuader les Allemands, de réduire un peu les dépenses publiques. La réalité ? Les fondements de l’Union européenne sont incompatibles avec la manière dont sont gérés les Etats européens. En clair, l’Union européenne est d’origine libérale, créant de ce fait, de gigantesque Etats providence d’inspiration socialiste. Au moteur diplomatique, il substitua le moteur économique : le libre-échange et l’esprit d’entreprise devraient, envisageait-il, générer des « solidarités concrètes », qui élimineraient la guerre et la misère. Cette intuition libérale de Jean Monnet fut ratifiée par les principaux artisans de la première Communauté économique européenne, trois démocrates-chrétiens, Konrad Adenauer, Alcide De Gasperi et Robert Schuman. Et l’euro fut créé pour contraindre les Etats à équilibrer leur budget, dans le droit fil de la théorie monétaire libérale. Hélas, les gouvernements nationaux ont cru qu’il serait possible d’accumuler les bénéfices de l’Europe libérale, tout en superposant les délices électoraux du socialisme. On appelle ici « socialisme » la croissance infinie de l’Etat Providence, l’accumulation des assurances sociales et des employés protégés par l’Etat. Ce socialisme de fait ne pouvait donc être financé qu’à crédit, sans risque croyait-on, puisque l’euro paraissait « fort ». Cet euro fort a rendu fous ses détenteurs : tout soudain paru accessible au crédit. Il en est résulté un endettement remarquablement homogène. Tous les états européens ont été gérés « à la socialiste », en contradiction avec les principes libéraux de l’Union européenne : certains seront mieux à même de faire face aux échanges que d’autres, mais tous ont dérivé ensemble. Le socialisme domine les esprits en Europe, tandis que le libéralisme est harcelé par le monde universitaire, médiatique et intellectuel. Ces Etats providence, par leur coût financier et la déresponsabilisation éthique qu’ils légitiment, ont asphyxié la croissance économique en Europe : nous sommes le continent du déclin, mais du déclin solidaire. Pourquoi un modeste contribuable français ou allemand paierait-il les impôts auxquels a échappé la Grèce riche, tout cela pour financer des syndicats ou des militaires grecs ? Nous nous croyions citoyens d’une nation mais nous sommes débiteurs pour toutes. Comment sort-on d’ne tragédie ? En gagnant du temps, en la niant, en se suicidant, ou en disant la vérité. Il s’agit de mettre un terme ou non à la stratégie du déclin européen… »

by Guy Sorman, in Le Figaro, lundi 10 mai 2010

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