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Contre la volonté populaire : un nouveau missile contre la démocratie ? Le vote suisse sur les minarets…oligarchie ?

« Ce n’est pas le vote suisse qui représente un nouveau missile contre la démocratie, mais les réactions au vote suisse. « Aujourd’hui, on assiste à un processus plus radical : le début d’une mise en cause systématique, ironique et méprisante, de la volonté populaire ».

Les Français votent contre la « constitution » de Lisbonne ? On fait passer la décision derrière leur dos en la confiant au Parlement. Les Irlandais en font autant ? On leur impose de revoter jusqu’à ce qu’ils changent d’avis…Manière aussi peu démocratique que possible, et qui augure bien mal de la citoyenneté européenne dont on nous rebat les oreilles. Il n’y a de citoyens que dans une démocratie, sinon il s’agit des sujets, nul besoin de faire un dessin.

Nous voyons s’avancer tout doucement la justification d’un nouveau régime : une oligarchie. Elle ne fera pas tomber les démocraties par quelque révolution démodée. Elle agira sournoisement, comme elle a déjà commencé à le faire. Elle utilisera d’abord toutes les ressources de son ironie sardonique pour ridiculiser la voix populaire qui se trompe. Puis, constatant l’inutilité de ce moyen par ailleurs assez odieux (les peuples se moquent complètement de l’ironie, qui les conforte plutôt dans leurs opinions), elle ostracisera avec vigueur les délinquants (on parle aujourd’hui de retirer massivement les comptes de Suisse), enfin elle se saisira de tous les instruments institutionnels à sa portée pour casser les décisions populaires, les remettre aux voix, les contredire en coulisse. Finalement, elle régnera sur des peuples qu’on amuse avec les scrutins, mais qui au fond ne décident rien. Les peuples ne seront peut être pas plus malheureux. Enfin, ils verront retomber sur eux ce sentiment d’arbitraire et d’injustice des temps anciens.

Les oligarques par exemple, feront de la pédophilie un horrible crime, sauf si elle est pratiquée par un des leurs ; enfin délivrés des sottises populaires, ils seront la mesure des lois et des décisions, ce qui leur paraitra naturel, puisqu’ils sont sûrs, depuis le début, d’avoir raison : ils n’avaient pas défendu la démocratie par amour pour la liberté de pensée, mais parce qu’ils croyaient que les peuples allaient leur obéir.

Dans 50 ans, moins peut-être, on s’interrogera douloureusement : « Comment se fait-il que notre continent, qui chantait depuis des siècles un hymne majestueux à la démocratie et en avait même fait une obligation de pensée, est devenu le siège d’un régime oligarchique ? » Les chercheurs entreprendront des thèses sur ce mystère. Les réactions au vote suisse sur les minerets représenteront l’un des nombreux signes avant-coureurs où l’on voit qu’un tissu se déchire. »

By Chantal Delsol, in Le Figaro, 3 décembre 2009

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