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La liberté passe par le sens des mots

La liberté passe par le sens des mots Georges Orwell, disparu il y a près de soixante ans, est surtout connu pour son roman « 1984 ». Il faut cependant découvrir l’œuvre entière de ce combattant antitotalitaire.

« …Pourquoi « 1984 » et « L’Archipel du Goulag » resteront-ils comme les œuvres du XXème siècle ayant contribué le plus efficacement à dénoncer la réalité du monde totalitaire ? Pour avoir relaté, en détail, l’expérience singulière d’individus des plus ordinaires, brisés par le système des camps. Pour avoir fait œuvre d’écrivains, en luttant contre toutes les putréfactions du langage et en jetant des torches dans les abîmes politiques du siècle… La France connaît le romancier George Orwell, mais est en train de découvrir sa pensée politique. Il défend dans ses articles et ses livres une certaine idée de la démocratie, au nom du socialisme. Quand paraît son dernier roman, « 1984 », il rencontre enfin la gloire littéraire et l’aisance financière, lui qui n’avait connu ni l’une ni l’autre.(…) »

« Aujourd’hui, alors que les idéologies se dégonflent, la démocratie semble se retourner contre elle-même. L’ennemi n’est plus à l’extérieur, mais à l’intérieur. Orwell a considéré qu’il fallait, certes, s’en prendre aux hydres totalitaires, mais aussi défendre une démocratie empirique et sensible –celle qui nous permet d’être heureux. Pour lui, il faut être toujours vigilant. Et d’abord vis-à-vis des risques de corruption de la langue. En régime totalitaire, le « ministère de la Vérité » ne cesse d’organiser ce travail de sape. Il supprime des mots et les remplace par d’autres. Quand meurent les dictionnaires, meurt la liberté. … Autre vigilance démocratique : l’idée de la liberté. Celle des modernes consiste à nier toute détermination, toute histoire préexistante, au profit d’une liberté de s’inventer en permanence. Pour Orwell, (Michéa le montre bien), la liberté est avant tout « une somme de fidélités et d’habitudes » qu’il faut protéger et partager avec d’autres. En cela, Orwell est un « anti-moderne ». Pour lui, la liberté se trouve dans les fils noués, les amitiés prolongées, l’amour partagé. Troisième vigilance : le sens moral. Orwell dénonce cette intelligentsia qui, pour s’être étourdie de théories inhumaines à force d’être trop logiques, s’est moralement dévoyée. Cette « décence commune », ce sens commun nous avertit, presque d’instinct, des lignes de séparation entre le bien et le mal. Elle n’est donc pas une vertu des gens éduqués, nous dit Orwell. Au contraire, elle est commune à tous, donnée aux gens ordinaires pour mieux résister à l’injustice, quand le monde est sans dessus dessous. George Orwell nous donne de belles leçons de civilité, avec cette méfiance vis-à-vis des grands systèmes, ce souci des libertés de proximité, ce goût de la décence et cet attachement pour les fidélités qui nous font membres d’une communauté. Leçons pour tous ceux qui souhaitent cultiver leurs vigilances spirituelles et politiques… »

Par Damien LE GUAY In Le Figaro Magazine du 27 septembre 2009

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