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Devenir français (5) : Droit du sol et droit du sang, les réalités historiques

Opposer le « droit du sol » français au « droit du sang » allemand est un exercice de routine pour les intellectuels et les politiques de tout bord. Au pays de la Révolution, croit-on, la tradition définissait comme Français tout individu né sur le territoire de la République, au pays du nazisme, la nationalité se transmettait par le sang.

L’antagonisme entre ces deux conceptions différentes de la nation, l’une citoyenne, l’autre ethnique, n’est pourtant pas la réalité de l’histoire : le livre capital « Qu’est-ce qu’un français ? » de Patrick Weil fait exploser ce mythe et met en lumière une séquence historique complexe menant du droit du sol de l’Ancien Régime à l’invention du droit du sang par la Révolution Française puis à la redéfinition, par étapes, d’un droit du sol par la IIIème République. C’est le code civil de 1804 qui invente le concept d’une nationalité transmise aux enfants par les parents comme un bien personnel, il ne s’agit pas alors d’être « ethnique » mais de faire disparaître la francité féodale qui découle de la soumission au roi (conception qui a survécu en Angleterre). Une fois inventé, le droit du sang moderne et français est exporté avec le code civil à une grande partie de l’Europe, notamment en Prusse où il est adopté en 1842. En 1889, la République, revient au droit du sol que l’on devrait qualifier plutôt de devoir du sol ! il ne s’agissait en effet pas d’appliquer l’idéal de Renan d’une adhésion volontaire à la Nation mais d’obliger le maximum de jeunes (y compris les enfants d’immigrés) de servir sous les drapeaux. Ce n’est que longtemps après la Seconde Guerre Mondiale que s’impose le droit du sol d’esprit libéral, assurant aux enfants d’immigrés un droit sur la nouvelle patrie. Ce livre montre surtout que le droit de la nationalité est autonome. C’est l’œuvre de juristes à qui il est demandé de résoudre des problèmes pratiques liés aux besoins militaires de l’Etat, aux mouvements migratoires, à l’esprit du temps. Ce retour sur l’histoire permet de comprendre pourquoi, aujourd’hui, l’Allemagne, devenue pays d’immigration est en train de passer progressivement au droit du sol. Il permet également de penser l’avenir : l’histoire de la nationalité française suggère qu’un droit du sol commun à toute l’Europe est possible sans que soient explicitement attaquées les conceptions diverses de la nation qui se partagent le continent. Car après la création d’un droit de nationalité, il appartient à chaque pays de créer un mode spécifique d’attachement à cette nationalité.

Voir l’article d’Emmanuel Todd, sociologue et démographe, « La bible du droit de la nationalité », in le Point, semaine du 19 avril 2002 Voir également le livre de Patrick Weil, « Qu’est-ce qu’un français ? Histoire de la nationalité française de la révolution à nos jours », Grasset, 2002

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